Lettre ouverte de 34 chercheurs aux ministres

Ce texte se veut une proposition et non une simple opposition à la réforme. Il est possible de soutenir le texte en signant la pétition de soutien (cliquer sur ce lien).

Plus d’information sur le site du MusĂ©e de la colo, sur lequel il est possible de laisser des messages.

 

Texte :

 

 

Lettre ouverte aux ministres

en charge de la réforme du temps scolaire

 

Nous, chercheurs, enseignants dans le champ de l’animation socioculturelle, nous prenons la parole pour dire que l’absence des acteurs de l’animation socioculturelle dans les dĂ©bats sur la rĂ©forme des rythmes scolaires ne doit pas ĂȘtre assimilĂ©e Ă  une absence de rĂ©flexions des acteurs du champ. La circulaire du 20 mars (circulaire n°2013-036 du 20 mars 2013) ne nous satisfait pas.

 

L’occasion de la rĂ©forme des rythmes scolaires fait apparaĂźtre en creux une certaine façon de concevoir le champ des acteurs de l’animation socioculturelle. Les animateurs et animatrices semblent devoir suivre les Ă©volutions prĂ©vues et sans avoir voix au chapitre. Le champ de l’animation socioculturelle apparaĂźt comme une variable d’ajustement permettant de rĂ©pondre aux besoins de l’école, des parents et des communes. La parole de notre champ professionnel n’est ni entendue, ni mĂȘme Ă©coutĂ©e. Pourtant des travaux de recherche existent, des praticiens travaillent quotidiennement pour rendre ces temps d’animation pertinents au regard de la personnalitĂ© de chaque enfant.

Nous souhaitons ĂȘtre entendus, nous souhaitons que les acteurs de l’animation socioculturelle (chercheurs, acteurs, formateurs
) soient associĂ©s au dĂ©bat actuellement en cours. Plusieurs raisons abordĂ©es ci-dessous expliquent notre engagement.

 

Le temps pĂ©riscolaire n’est pas du temps scolaire

Le curseur qui permet de dĂ©signer ce qui relĂšve du temps scolaire de ce qui l’entoure est un vĂ©ritable enjeu. S’il s’agit d’occuper les enfants avec diverses activitĂ©s quasi-scolaires rĂ©alisĂ©es dans des lieux scolaires, alors nous allongerons le temps de l’enfant dans la logique scolaire et, uniquement, collective. S’agit-il de faire de l’école mais autrement ? La question du rĂŽle de ces activitĂ©s doit ĂȘtre envisagĂ©e Ă  partir d’un dĂ©bat plus complet portant sur la formation Ă  ces activitĂ©s et sur la pĂ©dagogie mise en place durant ces temps. Les simples questions d’organisation du temps de travail des animateurs-animatrices, des taux d’encadrement(s) et d’un temps de prĂ©sence Ă  l’école pour les enfants sont bien trop restrictives.

Si l’intĂ©gration d’activitĂ©s culturelles dans le cursus scolaire est une bonne chose, la possibilitĂ© pour les enfants de sortir de la logique scolaire, hors du temps de l’école, est un enjeu social important. Les enfants doivent avoir la possibilitĂ© de ne rien faire, de jouer dans la rue ou de frĂ©quenter une autre structure. Il faudrait alors une rĂ©flexion sur notre conception du territoire et sa façon d’accueillir les enfants en son sein.

L’animation socioculturelle n’a ni pour objet de faire Ă  la place de l’école, ni de faire ce que l’école ne veut pas faire. Elle a pour vocation de permettre Ă  chaque enfant d’ĂȘtre auteur de son temps, de lui donner les outils pour ĂȘtre acteur de sa citĂ©, ou de sa commune, et de dĂ©velopper son individualitĂ© et sa personnalitĂ©.

La question du « dĂ©crochage scolaire » ne se posera pas dans les mĂȘmes termes s’il existe autour de l’école des dispositifs Â« raccrocheurs sociaux ».

 

Les animateurs ne font pas de la garderie

Si l’animation socioculturelle n’est pas un supplĂ©ant de l’école, elle n’est pas non plus un mode de garde pour les parents. Nous pensons que les animateurs et animatrices proposent des activitĂ©s aux enfants parce que celles-ci sont l’occasion de construire les citoyen.ne.s ou d’ouvrir les enfants Ă  des rĂ©alitĂ©s qui en feront des citoyen.e.s du monde. Nous pensons que les pratiques d’animation ont un effet en lien avec un projet de sociĂ©tĂ© partagĂ©, que l’animation socioculturelle est un vrai mĂ©tier qui n’est ni sous la domination de l’école, ni au service exclusif des parents, ni un service public obligatoire comme les autres.

 

Peut-on refonder l’école sans refonder ce qui l’entoure immĂ©diatement ? Nous pensons que la question de la formation des animateurs-animatrices est une clĂ© essentielle. L’ampleur de la rĂ©forme des rythmes scolaires entraine un problĂšme d’organisation de la formation des professionnels sous diffĂ©rents aspects. Quels sont les modĂšles de formation possibles pour engager l’évolution des compĂ©tences des animateurs-animatrices ? Quels types d’activitĂ©s devront-ils/elles rĂ©aliser ?

Quels seront les modĂšles de direction (des animateurs-animatrices) et les compĂ©tences nĂ©cessaires pour les diriger ? Les animateurs-animatrices du pĂ©riscolaire doivent-ils rester des personnes faiblement formĂ©es, prĂ©caires et aux conditions de travail et d’emploi problĂ©matiques ? Et ceci malgrĂ© leur fonction socialisatrice et leur capacitĂ© Ă  rĂ©inscrire des enfants ballotĂ©s dans une logique d’insertion.

 

 

 

Nous pensons que :

– Les enfants ne bĂ©nĂ©ficieront rĂ©ellement de cette rĂ©forme que si les activitĂ©s nouvelles mises en place dans le cadre scolaire sont encadrĂ©es par des personnels compĂ©tents ;

– Cette rĂ©forme est l’opportunitĂ© pour repenser les activitĂ©s pĂ©riscolaires comme un espace diffĂ©rent de celui de l’école permettant Ă  celle-ci de ne pas occuper la seule place de socialisation lĂ©gitime ;

– Ainsi, l’animation pĂ©riscolaire ne doit ĂȘtre assimilĂ©e ni Ă  une garderie ni Ă  une pseudo-Ă©cole et il est nĂ©cessaire de penser le temps pĂ©riscolaire comme un temps d’animation Ă  part entiĂšre oĂč l’enfant peut dĂ©cider du cadre qui lui convient ;

– Les animateurs et animatrices pĂ©riscolaires doivent avoir les compĂ©tences et les conditions de travail et d’emploi nĂ©cessaires Ă  l’exercice de leur mĂ©tier ;

– Tous les animateurs et animatrices dans le pĂ©riscolaire doivent ĂȘtre titulaires d’un diplĂŽme au moins de niveau V dans le champ de l’animation (B.A.P.A.A.T. ou C.Q.P. A.P.). Il n’est plus possible de se contenter uniquement du B.A.F.A. (brevet non professionnel de l’animation). Les Ă©quipes des temps et activitĂ©s pĂ©riscolaires au sein d’une Ă©cole doivent ĂȘtre dirigĂ©es par des personnels titulaires d’un diplĂŽme de niveau IV (B.P.J.E.P.S.). Il n’est plus possible de se contenter uniquement du B.A.F.D. (brevet non professionnel de l’animation). La coordination Ă  l’échelle de plusieurs Ă©coles, et/ou en fonction de la taille du territoire, quant Ă  elle, doit ĂȘtre au moins assurĂ©e par des titulaires d’un diplĂŽme de niveau III (D.U.T. C.S. option A.S.S.C., ou des D.E.J.E.P.S.). Les fonctions de pilotage du dispositif au niveaux des villes ou des communautĂ©s de commune sont aussi Ă  prendre en compte et ĂȘtre assurĂ©es par des titulaires d’un diplĂŽme de niveau II ((D.E.S.J.P.S., Licence), tout comme les fonctions d’expertise, de recherche et d’organisation Ă  des Ă©chelles plus importantes seront assurĂ©es par des titulaire d’un niveau I (Master) ;

– La situation actuelle est que la plupart des animateurs-animatrices pĂ©riscolaires n’ont pas les compĂ©tences minimales requises. La rĂ©forme ne pourra se faire sans associer les reprĂ©sentants du champ professionnel de l’animation (praticiens, organismes de formation et chercheurs) Ă  la rĂ©flexion prĂ©alable, tant sur un plan national que local ;

– Enfin, il faut aussi tenir compte des incidences sur les accueils collectifs de mineurs extrascolaires, notamment dans le cas de la scolarisation des enfants le mercredi matin.

 

Nous demandons à l’État :

– La rĂ©alisation d’une Ă©tude dĂšs le mois de mai 2013 sur des communes ayant dĂ©cidĂ© de mettre en place la rĂ©forme en septembre 2013 ; en mettant Ă  profit cette Ă©volution pour repenser les articulations entre les temps scolaire et pĂ©riscolaire ; que cette Ă©tude soit poursuivie et que des conclusions puissent ĂȘtre prĂ©sentĂ©es dĂšs mai 2014 Ă  l’ensemble des acteurs et actrices du champ ;

– De la mĂȘme façon dĂšs maintenant la rĂ©alisation d’une Ă©tude sur la formation des animateurs et animatrices pĂ©riscolaires et qu’un plan de formation national soit dĂ©veloppĂ© dĂšs septembre 2013 pour permettre la qualification des personnels en poste ;

– Que les crĂ©dits spĂ©ciaux allouĂ©s aux collectivitĂ©s soient orientĂ©s en prioritĂ© vers les projets innovants, notamment sur le plan pĂ©dagogique, et que ces projets soient accompagnĂ©s, puis mis en valeur par des chercheurs du champ de l’animation socioculturelle. Au regard des changements importants qu’entraĂźne cette rĂ©forme, la rĂ©flexion pĂ©dagogique est nĂ©cessaire et ne peut ĂȘtre menĂ©e uniquement par l’école, les parents et les communes ;

– De construire la formation des enseignant.e.s avec des temps communs aux professionnels de l’animation. Il est utile de rappeler que de nombreuses avancĂ©es pĂ©dagogiques de l’école ont vu le jour dans les patronages, les colonies de vacances ou les classes transplantĂ©es.

Nous nous engageons Ă  soutenir toute action de recherche sur le thĂšme de l’animation pĂ©riscolaire pour la mise en place et l’analyse de cette rĂ©forme.

Nous invitons les praticiens, les organismes de formation, les autres chercheurs mais aussi les enseignants, les parents d’élĂšves et leurs fĂ©dĂ©rations Ă  nous soutenir en signant cette lettre ouverte sur le site "pĂ©tition publique" ou "lemusĂ©edelacolo.fr"

 

Signataires : Jean-Pierre Augustin, Magalie Bacou, Jean-Marie Bataille, Laurent Besse, Baptiste Besse-Patin, Bernard

Bier, Jean-Michel Bocquet, Véronique Bordes, Manuel Boucher, Olivier Brito, Jean-Gabriel Busy, Charles Calamel,

JérÎme Camus, Marc Carletti, Eric Carton, Pierre-Yves Chiron, Christophe Dansac, Olivier Douard, Didier Favre, Jean-

Claude Gillet, Luc Greffier, Jean Houssaye, Aude Kerivel, Francis Lebon, Philippe Marty, Jean-Marie Mignon, Thierry

Morel, Paul Poggi, Mustafa Poyraz, Yves Raibaud, Sophie Ruel, Stéphane Tessier, Judit Vari, Daniel Verba

 

 

Présentation des signataires

Jean-Pierre Augustin

Professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’UniversitĂ© de Bordeaux ; UMR ADES du CNRS

Magalie Bacou

Docteure en sociologie, ChargĂ©e de recherche Ă  l’IUT CS Toulouse 2-Figeac (LRPmip) ; ChargĂ©e de cours au dĂ©partement Sciences de l’éducation et de la formation de l’UniversitĂ© Toulouse 2 ; Membre associĂ©e au CERTOP-CNRS

Jean-Marie Bataille

Pédagogue, chercheur (ADES Bordeaux 3 et CREF UPON) et enseignant (UPON, UPEC) en animation socioculturelle

Laurent Besse

MaĂźtre de confĂ©rences en histoire, responsable formation d’animateurs, IUT de Tours

Baptiste Besse-Patin

Doctorant en sciences de l’éducation et praticien-formateur en animation

Bernard Bier

Sociologue, ancien chargĂ© d’études et de recherche Ă  l’INJEP

Jean-Michel Bocquet

Doctorant en sciences de l’éducation au laboratoire CIVIIC, universitĂ© de Rouen, Formateur, directeur d’ACM, ancien directeur de centre social et chef de service Ă©ducatif

Véronique Bordes

Maitre de ConfĂ©rences en science de l’éducation, UMR-EFTS universitĂ© Toulouse 2

Responsable de la spĂ©cialitĂ© Politiques enfance jeunesse du master 2 sciences de l’éducation et de la formation

Manuel Boucher

Sociologue. Directeur scientifique (HDR). PrĂ©sident de l’association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales.

Olivier Brito

Chercheur en sciences de l’éducation, attachĂ© au CREF

Jean-Gabriel Busy

Doctorant en sciences de l’éducation, responsable d’un service municipal de l’enfance dans les Hauts-de-Seine.

Charles Calamel

Chercheur en sciences de l’éducation, attachĂ© au CREF.

JérÎme Camus

Maitre de confĂ©rences en sociologie – Directeur d’études en animation, IUT de Tours – Dpt CarriĂšres sociales

Marc Carletti

Enseignant et Chef de Département CarriÚres sociales IUT Figeac Université Toulouse 2 Le Mirail

Eric Carton

Docteur en sciences de l’information et de la communication, Enseignant Ă  l’I.U.T. de Nice au DĂ©partement CarriĂšres sociales,

Pierre-Yves Chiron

CNRJ Sociologue – Doctorant en Sciences de l’Education Participation et projets collectifs – Politiques de jeunesse, Ancien directeur d’une association socioculturelle ; Formateur en Licence d’Animation, universitĂ© d’Angers.

Christophe Dansac

MaĂźtre de ConfĂ©rences en Psychologie, Coordinateur de l’équipe de recherche Organisations Non OrientĂ©es vers le Profit et Gouvernance (LRPMip) / Enseignant au DĂ©partement CarriĂšres Sociales de l’IUT de Figeac.

Olivier Douard

Sociologue, directeur d’études au Leris (Montpellier)

Didier Favre

Psychosociologue et consultant

Jean-Claude Gillet

Professeur honoraire des universitĂ©s, Responsable scientifique du RĂ©seau International de l’Animation (RIA), IUT Michel de Montaigne – UniversitĂ© de Bordeaux

Luc Greffier

Maßtre de conférence en géographie

Responsable LP Intervention sociale ; coordinateur ISIAT, IUT Michel de Montaigne

Jean Houssaye

Professeur Ă©mĂ©rite en Sciences de l’éducation UniversitĂ© de Rouen

Aude Kerivel

Docteure en sociologie, Chargée de recherche LERFAS Tours

Francis Lebon

Sociologue, MaĂźtre de confĂ©rences Ă  l’UniversitĂ© Paris-Est CrĂ©teil (UPEC)

Philippe Marty

Enseignant en second degrĂ©, Docteur en sciences de l’éducation.

Jean-Marie Mignon

Dr en histoire, ancien conseiller technique et pédagogique supérieur .

Thierry Morel

Sociologue, formateur-chercheur, ITSRA Clermont-Ferrand

Paul Poggi

Dr en psychologie, chargé de cours IUT de Menton et université de Nice

Mustafa Poyraz

Sociologue, enseignant Ă  l’IUT de Paris 5 et Ă  l’UniversitĂ© de Pars 8, formateur dans le secteur d’animation.

Yves Raibaud

gĂ©ographe, MaĂźtre de ConfĂ©rences HDR IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3, Vice-PrĂ©sident du Conseil de dĂ©veloppement Durable de la CU de Bordeaux

Sophie Ruel

MaĂźtre de confĂ©rences en Sciences de l’Éducation UniversitĂ© de Toulouse 2 Le Mirail IUT de Figeac DĂ©partement CarriĂšres Sociales UnitĂ© Mixte de Recherche EFTS Toulouse 2 Chercheuse associĂ©e au LRPmip

Stéphane Tessier

MĂ©decin de santĂ© publique, docteur en sciences de l’éducation,

Président de REGARDS

Judit Vari

Sociologue, MaĂźtre de ConfĂ©rences en Sciences de l’Education – UniversitĂ© de Rouen Laboratoire CIVIIC

Daniel Verba

Sociologue Ă  l’universitĂ© Paris 13,

 

 

 

Source de la lettre ouverte sur le site du Musée de la colo : cliquez sur ce lien (format PDF).

Le sujet de discussion pour en débattre : Appel des 34 sur la réforme des rythmes scolaires

 

 

 

 

Post by michmuch

michmuch