L’animation en centre social

 

Quelle différence entre centre social et accueil de loisirs ?

« Centre social » est une appellation accordée par la CAF à certaines structures qui en font la demande. C’est un « label », en quelques sortes, qui est apposé sur un équipement existant ou en projet, généralement géré par une association loi 1901. « Centre socioculturel » est quant-à-elle une dénomination parfois choisie localement par les dirigeants du centre.
Par ailleurs, une fois l’agrément « centre social » obtenu, la structure peut adhérer à la fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF).

Pour être « centre social », un accueil de loisirs doit proposer d’autres activités (1) : services (permanences sociales, accompagnement scolaire, lutte contre les discriminations…), accompagnement de projets (projets d’habitants, aide au montage d’association…), maison de la citoyenneté (vie de quartier, participation des usagers à la gestion du centre…), etc. Plus de 80 % des centres sociaux ont en leur sein un accueil de loisirs (2).
Implantés à 80 % en milieu urbain, les centres sociaux agissent majoritairement à l’échelle du quartier (3).

« Accrocher », le rôle spécifique de l’animateur en centre social ? 

Les centres sociaux, comme les accueils de loisirs, sont largement perméables aux politiques locales. Comme cela avait déjà été mis en lumière par une étude du laboratoire de géographie de l’université de Rouen en 2000, le centre de loisirs « apparaît comme un des derniers services sur lequel les élus municipaux ont entièrement prise (du recrutement des animateurs aux activités proposées), qu’ils peuvent faire fonctionner en quasi vase clos, et sur lequel ils peuvent appuyer une information municipale positive et consensuelle (4). » Au sujet des centres sociaux, Régis Cortesero, chercheur en sociologie à Bordeaux n’hésite pas à parler de « tyrannie du consensus » pour qualifier la prégnance de la tutelle municipale et la crainte du conflit de la part de cette-ci (5).
Analyse que l’on peut rapprocher des travaux de Jean-Pierre Augustin, chercheur en géographie à Bordeaux. Selon celui-ci, les équipements de proximité relèvent de trois fonctions : l’inculcation des normes dominantes, la création de lieux de marginalité ou de déviance tolérée ; ou les lieux de compensation et de consomation de loisirs (6). À ce sujet, on peut lire le riche témoignage et les réflexions de jim33 sur le sujet Violences, sexisme, discrimination…

Une étude récente menée par l’INJEP* (par Régis Cortesero) pour le compte de la CNAF*, montre la difficile reconnaissance des animateurs face aux autres professions sociales : « Les animateurs manquent de reconnaissance et vivent leur statut comme subordonné vis-à- vis des travailleurs sociaux, alors qu’ils sont confrontés à la représentation négative, relayée par les usagers, de travailleurs sociaux intégrés dans des structures administratives. Ces situations leur semblent paradoxales alors qu’ils s’estiment plus accueillants, plus humains, qu’ils prennent en compte un fonctionnement participatif et la parole des habitants. (7) »

Ainsi, les animateurs construisent leurs représentations et pratiques professionnelles en se démarquant à la fois d’une animation négativement qualifiée de « commerciale » ou de « garderie », dans laquelle l’animateur est un accompagnateur, et à la fois de l’éducation spécialisée, et de son approche individuelle voire médicale (8).
Par exemple, on peut citer l’approche particulière et douce de Bourricot, un participant régulier du forum, qui écrivait en mars dernier : «  Exemple, ce n’est absolument pas productif, c’est con ça sert à rien mais j’ai des jeunes qui un aprem ont fait un tour en moto, ont ramené des copines et puis ils ont passé l’aprem à tchatcher dans leur canapé et boire des coups. Au premier coup d’oeil, des branleurs qui foutent rien encore. Mais pour eux grave important, il s’agissait évidemment de draguer les minettes. Et réciproquement.
Je suis parti sur un principe totalement non directif sans programme, sans projet. Bon des fois c’est l’hallu vu de l’extérieur. C’est une base de travail de départ, je reviens de loin en fait… (9) »

Au fil de ces études et témoignages, les centres sociaux apparaissent particulièrement « pris » dans leur environnement social.
Confrontés aux nouvelles formes d’engagement bénévole, à l’emprise plus grande du politique depuis la décentralisation, au déclin de l’éducation populaire, aux exigences managériales des financeurs et au développement d’une logique d’inspiration néolibérale (10), les animateurs trouveront peut-être auprès des autres travailleurs sociaux les repères dont ils ont besoin pour la construction de leur identité professionnelle. Ou peut-être s’appuieront-ils sur leurs activités et leurs pratiques ?

* INJEP = Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire
* CNAF = Caisse nationale d’allocations familiales
 

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(1) Circulaire Cnaf n°56-1995 du 31 octobre 1995 et lettre-circulaire Cnaf n°186-98 du 27 juillet 1998
(2) Synthèse nationale (données 2010) du Senacs, l’observatoire des centres sociaux, septembre 2012, p. 4. Téléchargeable sur le site de la Fcsf ou en cliquant ici (.pdf 2,9 Mo).
(3) ibid.
(4) Bussi M. « Pour une géographie des centres de vacances et de loisirs » in Houssaye J. (dir) Colos et centres de loisirs : recherches, Vigneux, Éditions Matrice 2007, p. 255
(5) Cortesero R. « Figures du rapport au politique dans les centres sociaux : la tyrannie du consensus », communication des 23 et 24 janvier 2012, colloque « L’animation socioculturelle professionnelle, quels rapports au politique ? » Partiellement consultable en ligne : http://www.injep.fr/Figures-du-rapport-au-politique
(6) Augustin J.-P., Dubet F. « L’espace urbain et les fonctions sociales de l’animation », Les Cahiers de l’animation n°7, Marly-le-Roi, Inep 1975, p. 32
(7) Cortesero R. « Les centres sociaux, entre participation et cohésion sociale. » Dossier d’étude n°160, Injep, février 2013, p. 10. Téléchargeable sur le site de l’injep, ou en cliquant ici (.pdf 2,7 Mo).
(8) Lire par exemple le sujet Moniteur educateur = bpjeps Animation social ? du forum
(9) Bourricot post #2 sur le sujet programmes vacances animation jeunesse
(10) Bresson M. Les centres sociaux. Entre expertise et militantisme. Paris, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », 2002

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